Pour gagner le toit de l’Europe, mieux vaut éviter la voie normale et ses refuges bondés au pic de la saison estivale. Quelques idées et itinéraires « de délestage » favorisent de bien plus belles aventures au Mont Blanc, même pour des alpinistes débutants.
Atteindre le sommet du Mont Blanc et ses 4810 mètres est toujours un exercice physique difficile, entre les rigueurs de l’altitude et la longueur de l’effort. Même des sportifs très entraînés peuvent « en baver » voire renoncer en chemin s’ils ne sont pas préparés à ce projet si particulier… Alors autant ne pas en rajouter avec une voie normale et des refuges bondés au cœur de l’été!
Règles de base pour un néophyte : se préparer et se laisser guider
Gravir le Mont Blanc, comme tout sommet de plus de 4000 mètres dans les Alpes, cela se prépare. Au-delà d’un entraînement régulier en sports d’endurance (idéalement, le VTT, le cyclisme, le trail et la randonnée pédestre, à bon rythme et en reliefs) ; il est hautement préférable – voire indispensable, si vous ne vous êtes jamais testé en altitude – de venir séjourner et marcher au moins quelques jours auparavant en montagne. Avec une ou plusieurs incursions au-delà de 3000 mètres ; c’est la seule manière de « faire des globules rouges « , ou autrement dit de préparer efficacement votre organisme à affronter l’état d’hypoxie – le manque d’oxygène – caractéristique de toute incursion en haute montagne.
Idéalement, il faudrait faire un stage d’initiation technique et de préparation physique de 3 à 4 jours. Prévoyez au moins une nuit en refuge vers 3000 m et l’ascension d’un « presque » ou d’un « petit » 4000 mètres (comme le Grand Paradis), précédant de peu la montée au Mont Blanc.
Évidemment, si vous ne connaissez rien à l’alpinisme et que vous en avez les moyens, engagez un guide de haute montagne (pour vous tout seul ou en stage collectif). Cela sera nettement plus rapide (mais aussi plus cher) que vous former au long cours dans un club d’alpinisme, sous la conduite d’encadrants bénévoles.
Plusieurs options alternatives pourront alors s’offrir à vous, en fonction de vos goûts et capacités.
Option n°1 : la voie normale à pied… mais hors saison
La voie normale (ou dite « royale » quand on veut se pousser du col) est l’itinéraire d’ascension le plus accessible techniquement et physiquement. Il nécessite de 1 à plus couramment 2 ou 3 jours de marche aller-retour. Cela dépend des capacités physiques de chacun, avec des difficultés techniques limitées et une bonne sécurité quand les conditions d’enneigement et de gel sont bonnes. Ainsi, si votre planning le permet, réservez cet itinéraire en semaine, ainsi qu’en début (de mai à mi-juin) ou en fin de saison (septembre-octobre).
Option n°2 : la traversée des Trois Monts
Cet itinéraire au départ du sommet de l’Aiguille du Midi (accessible par téléphérique) présente l’avantage d’être le plus court. Il est réalisable couramment en 5 à 7 h de montée et permet d’éviter aux plus entraînés une nuit en refuge, tout en parcourant trois sommets de plus de 4000 mètres : le Mont Blanc du Tacul, le Mont Maudit et le Mont Blanc. La descente peut s’effectuer soit par le même itinéraire soit par la voie normale, permettant ainsi de réaliser un parcours complet de l’Est vers l’Ouest. Mais sans être réservé à une élite, cet itinéraire d’ascension présente des difficultés techniques et des dangers objectifs supérieurs à la voie normale. Il nécessite donc des conditions de neige et de gel optimales et des apprentis-alpinistes au pied suffisamment sûr – à évaluer par votre guide en temps utile.
Option n°3 : par l’aiguille de Bionnassay
L’enchaînement Bionnassay-Mont Blanc offre un itinéraire élégant et aérien. Vous y aurez plus qu’ailleurs l’impression de vivre une aventure en montagne – solitude et lignes de fuite aidant. Mais c’est aussi une véritable « bambée » nécessitant généralement 3 jours d’efforts bien remplis, également un peu plus technique encore que les Trois Monts. Un très beau voyage d’altitude en perspective, à réserver aux plus affutés physiquement et aux plus « équilibrés » techniquement.
Option n°4 : à skis, par les Grands Mulets
Il s’agit là de l’itinéraire historique d’ascension de 1786, et le plus direct vers le sommet. Au départ du Plan de l’Aiguille (station intermédiaire du téléphérique de l’Aiguille du Midi), il rallie le 1er jour le refuge pittoresque des Grands Mulets, après traversée du glacier des Bossons. Le deuxième jour, il s’agira de gagner le Dôme du Goûter puis le sommet du Mont Blanc par l’arête des Bosses (jonction avec la voie normale).
La descente à ski s’effectue ensuite par la face Nord, dans une pente dépassant parfois 45° mais permettant de gagner un temps considérable par rapport aux simples marcheurs. Cet itinéraire est pour partie exposée aux chutes de séracs et nécessite de choisir au mieux ses trajectoires et de ne pas perdre de temps dans les passages critiques. Mais, pour les très bons skieurs toute neige et entraînés au ski de randonnée, c’est l’option à privilégier entre mars et juin pour réaliser son rêve de Mont Blanc. Une descente de la face Nord en poudreuse est tout simplement magique !
Option n°5 : en parapente
Hors pic estival (c’est-à-dire jusqu’au 1er juillet et à partir du 1er septembre), le vol libre dans le massif du Mont Blanc est autorisé. Un guide également moniteur de parapente (ou un duo composé d’un guide et d’un moniteur de parapente) peut vous encadrer pour voler depuis le sommet. Cela est également possible en biplace, si vous ne savez pas voler ou avec votre propre voile, si vous êtes déjà pilote. Une expérience plus facile que jamais avec les nouvelles ailes de parapente, dont les plus légères (des voiles monosurface) pèsent à peine plus d’un kilo et se roulent facilement au fond d’un sac à dos.
L’ascension se fait alors à pied (généralement par la voie normale ou, pour les plus aguerris, par les Trois Monts). Attention : si le vent est trop fort au sommet, il faudra attendre ou redescendre à pied. Mais si les conditions sont propices, vous voilà partis pour un vol panoramique grandiose d’au moins une heure, jusqu’à rejoindre le plancher des vaches !
Pour conclure :
Dans tous les cas, quel que soit l’objectif que vous visez, privilégiez la sécurité et la qualité de votre expérience au Mont Blanc. Prenez le temps de vous préparer et choisissez bien vos guides et compagnons d’équipée – si possible en réalisant des randonnées et ascensions préalables avec eux.
Et dites-vous bien que le Mont Blanc est une forme d’aventure à ne pas prendre à la légère car porteuse de difficultés et de risques. Ce n’est pas un simple challenge sportif à réaliser avant de passer à d’autres. Il n’est qu’un sommet parmi d’autres, une étape mais pas un aboutissement dans une vie d’alpiniste. La montagne dans toute sa diversité a de multiples autres aventures riches d’enseignements à vous offrir.
Alors en attendant la meilleure période et les meilleures conditions pour réaliser ce rêve-là, vivez-en plein d’autres en vallée de Chamonix ou ailleurs, et à toutes les altitudes !